mardi 2 juillet 2013

Faire et défaire


Ces dernières semaines avant le départ (c'est aujourd'hui lundi!), il m'a fallu sortir en douceur du quotidien que je m'étais construit ici, sans trop souffrir du déchirement. Vendre les meubles - sur Craigslist, l'inspirateur du Bon Coin -, négocier notre bail avec le proprio de l'appart, puisque, en tant qu'étrangers sous visa, il nous avait fallu payer un an d'avance et que le bail s'achevait fin août, etc. Refaire les démarches administratives à l'envers, m'extraire progressivement de mon American way of life, de mes habitudes, de mon quartier

Un an après, il me faut tout refaire à l'envers, défaire les mailles que j'avais tricotées, pas toujours facilement mais j'y étais arrivée.
Désinscrire les enfants des écoles qu'il ne fut pas facile de trouver, surtout le lycée, en arrivant en août, soit à la fumée des cierges, quand il ne reste plus une place dans un établissement potable - le lycée de Léo, Millennium Brooklyn, était super, on a eu du nez. Couper la carte de crédit - que j'avais eu bien du mal à obtenir, et encore, sous conditions - au bout de trois mois d'utilisation (une vraie carte de crédit, c'est-à-dire qui donne accès aux achats à crédit, un piège à consommation, mais un vrai sésame pour la vie aux Etats-Unis). Ranger ma carte de correspondante de presse étrangère, ma carte d'identité américaine, ma carte d'accès à l'Onu, ma carte de Social security (autre sésame), ma carte de membre à la Food Coop qui nous faisait des prix imbattables sur la bouffe.

Les amitiés, les papiers, les projets, les magasins, le métro

On avait fini par nous établir vraiment, comme de vrais New-yorkais. On circule partout, et pas seulement a Manhattan, dans cette ville que nous avions fait nôtre. Les enfants aussi, se débrouillent tous seuls (les deux aînés): ils peuvent se rendre de Manhattan 6e avenue à Prospect Park, Brooklyn, au ciné, et rentrer à l'appart.

Ça ne se perdra pas, ça restera dans mes circuits imprimés comme une carte sensible et familière.
Je sais par coeur où les trains s'arrêtent, dans quelles direction vont. Je sais où aller pour les fringues de sport (Modells, au bout de la rue ou dans Midtown ou en face de Barclays center pour les maillots des Nets), pour les nippes vintage, pour la bouffe pas chère (tres important, la bouffe pas chère), pour les matches de basket, en salle ou de rue, pour croiser les copains du quartier, pour un Brooklyn burger ou un bon asiatique.

Il va falloir reprendre la façon française, pas demander "Comment allez-vous aujourd'hui?" à chaque fois qu'on croise quelqu'un, pas faire un détour de trois kilomètres pour éviter de frôler un passant sur un trottoir étroit, réécrire les 7 et les 1 avec une barre au milieu et une barre en haut, reprendre l'écriture cursive, oublier les lettres d'imprimerie...

Et vivre les dernières fois.

4 commentaires:

  1. Bon courage et profitez bien de ces derniers moments.

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  2. beaucoup de nostalgie dans cet article..... pas évident de revenir à la case départ mais ce ne sera que pour repartir un jour.... courage....

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  3. En allumant mon ordi, à l'instant, je me disais que je pouvais maintenant désinstaller Skype et ma web cam qui m'avaient été soudain indispensables il y a un an pour ne pas me sentir trop loin de vous !
    Égoïstement, cette pensée ne me rendait pas malheureuse !
    Et je sais que tout ce vécu fait partie de vous, n'est pas vain.
    A très vite !

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  4. Ton billet me touche beaucoup puisque je vis en ce moment la même chose dans l'autre sens... Je vous souhaite une bonne réadaptation en France, et bon courage pour tout !

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