mardi 1 janvier 2013

Une négo made in China

Trois frères venus de Chine, trois messieurs dans leur soixantaine. L'un, en costume croisé sous un anorak, sillonne le quartier à pied, sa radio portative au poignet diffuse des chansons du pays. L'autre ne quitte pas le comptoir de son mini-magasin de boissons - eau minérale, sodas... - pour les restaurants du coin. Le dernier, plus sportswear, ne doit pas habiter par ici.

Trois frères propriétaires d'un immeuble de briques rouge à Manhattan, quatre étages de logements plus un rez-de-chaussée commercial à la frontière entre Lower East Side et Chinatown. Ils possèdent les lieux depuis vingt ans. Maintenant, ils cherchent à louer la moitié du rez-de-chaussée, de l'autre côté  du magasin du boissons et de l'escalier qui mène aux logements.

La négociation s'est déroulée ce matin, en trois langues: anglais, chinois, français. Je dis chinois, car je n'ai pas encore réussi à établir de quelle province ils sont originaires. Eux ne parlent pas anglais. John, le fils de l'un d'entre eux, traduit. Nous avons l'appui de Susan qui fait l'intermédiaire et s'adresse à nous en français - c'est plus pratique pour les apartés.

On a été reçus dans le mini-magasin de boissons, corridor de 3m sur 15. On a sorti des chaises pliantes au milieu des canettes de Coca, sous les pubs défraîchies pour le poisson de la baie de New York. Une bouteille d'eau en guise de bienvenue, et c'était parti pour deux heures de joute.

Mois de loyer gratuits, montant de la caution, longueur du bail, pénalités de retard du paiement du loyer... La discussion a été âpre. Et l'ambiance totalement exotique. Sur une chaise au milieu de nous tous, une grand-mère, assoupie dans son jogging-doudoune gris. Les propositions et contre-propositions se croisent au-dessus de sa tête. Écoute-t-elle, même?
Au bout d'une demi-heure arrive une petite femme ridée, un enfant endormi dans le dos, un autre à la main qui rechigne à entrer. Ils fendent notre cercle, se réfugient sans un mot sur une palette dans le fond du magasin. Personne ne relève leur présence. Dix minutes après, un homme les rejoint. Ils repartiront bientôt, sans avoir échangé un mot avec les trois frères, John ou la grand-mère.

New York est le monde et le monde est New York. Avec des morceaux de pays lointains au coin des rues ou dans les magasins.

Et nous, on a peut-être trouvé un lieu pour notre resto.

(Précision pour la famille: les enfants sont restés à l'appart pendant la négo et nous ont rejoints par le métro, pour aller manger comme à Shanghaï à quelques rues de là. Ils se débrouillent vraiment comme des chefs, dans la ville, à présent.)

Petite balade dans Chinatown cet après-midi.




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