mercredi 19 juin 2013

Back to France

On était venus ouvrir un resto en famille à New York.
On repart après un an, une expérience unique, riches d'une deuxième langue, d'une deuxième culture, d'un autre chez-nous sur Terre, mais pauvres comme Job. La ville du billet vert a eu raison de notre projet. On n'a plus un rond. On rentre.

"God is broke", dit le musicien Bobby Womack dans un de ses disques. Même Dieu est fauché dans ce pays!

Et en effet, pour ouvrir un resto a New York, il faut:

-De l'argent. Beaucoup d'argent. Des investisseurs convaincus. On n'en avait pas assez.

-Du temps. A moins d'ouvrir un boui-boui à peine légal dans un ghetto de East Brooklyn, chercher un local (il faut un broker, c'est-à-dire un agent immobilier qui travaille pour soi, nous on n'en avait pas), signer le bail (ça peut prendre plusieurs mois en aller-retour entre avocats, le bail étant considérablement épais), donner quelques dessous de table en liquide, vérifier que le bâtiment soit bien adapté à l'activité resto, aux normes incendie, aux normes sanitaires, demander les permis de construire, les autorisations de vendre de l'alcool, tout cela dans des administrations réparties façon puzzle dans cette ville tentaculaire...
Cela peut prendre des mois et des mois. Parfois plus d'un an. Parfois trois, de l'idée à la réalisation. Pendant ce temps, il faut vivre, donc pouvoir tenir financièrement.

-Des papiers pour travailler. Il y a ceux qui permettent de bosser  sans conditions, et ceux qui limitent sérieusement la recherche d'emploi. Peu de visas autorisent vraiment à travailler tous azimuts. Le mieux étant évidemment d'être résident. Ou d'avoir une carte verte, presque l'équivalent de la nationalité américaine, le Sésame. Nous, c'était visa, un plutôt bon, mais trop limité.

-Une capacité d'adaptation à la façon de manger américaine, et surtout, à la façon new yorkaise d'aller au resto. Un rituel différent de celui des Français, mais qui fait loi. Service surdimensionné (c'est possible puisque les serveurs sont payés au pourboire), extrêmement attentionné. Accueil, ambiance (en général: bougies, donc on ne voit pas ce qu'on mange, et musique à donf, donc on entend pas son voisin), déco soignée (ils sont très forts en vintage brique/fer/verre).
Des produits pas toujours top mais très bien arrangés. Beaucoup de choses pas trop cuisinées, genre sandwich amélioré ou salade avec un rien de je-ne-sais-quoi.
Et surtout, des classiques que le client peut retrouver à chaque fois qu'il vient, quelque soit le moment de l'année et l'humeur du patron, et réalisés exactement de la même manière d'une fois sur l'autre. Genre: "mac and cheese", c'est-à-dire le simple macaroni and cheese de l'enfance, mais exécuté exactement comme ils s'en souviennent. 

- Pour pouvoir tenir sans revenus immédiats, le budget perso prend une importance considérable. Surtout pour une famille de cinq comme la nôtre. On ne venait pas d'un pays où on crève la dalle, et, à 45 ans, on était habitués à un certain niveau de vie. Nos enfants aussi. Impossible de couper dans toutes les dépenses (plus de ciné avant deux ans!) ou de vivre à cinq dans deux pièces, comme certaines familles dans notre quartier, venues des Caraïbes, du Tibet ou d'Amérique latine, pour lesquelles vivre à New York, quelques soient les conditions, est déjà un luxe en soi. Nous, assurance médicale comprise (2000 $ par mois) et loyer dans les 3000 $, il nous fallait  gagner minimum 8000 $ par mois.

- Rester soudés, quoiqu'il arrive.

Bref, la marche était trop haute.

Une des profs de science de Félix, ignorant qu'il rentre au pays, le louait l'autre jour dans ces termes: "Félix a tellement progressé en anglais que dans quelques temps, les gens croiront qu'il est né ici."
Eh, oui, mes enfants ressemblent aux gamins d'ici. Casquette sur la tête, "check" (taper dans la main) aux potes qui passent dans la rue, "hi" (hello) aux camarades d'école avec juste un petit geste de la main, vocabulaire ad hoc...

Fidèle lecteur, ne désespère pas, cependant. J'ai encore plein d'histoires à raconter avant notre départ, le 1er juillet. 
Reste branché sur mon blog. "Stay tuned", comme on dit ici.

13 commentaires:

  1. Bonjour Claire, je m'appelle Luzia je vis dans le Nord Est de la France à Nancy en Lorraine pour préciser.

    J'aime beaucoup suivre vos écrits, "vos aventures". J'ai découvert par hasard votre blog et cela me passionne.

    Merci pour tous les détails de vos expériences, vos bons mots, votre humour. Et j'espère que vous continuerez votre blog même si vous revenez vers la France.
    Au revoir, au plaisir de vous lire et bon retour.

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  2. Bonjour Claire, je vis a Brooklyn aussi. Je voulais juste te dire que j'aime beaucoup lire ton blog, ton ecriture et surtout ta vision de la ville, si particuliere et si differente des autres bogs de francais a NY. Je suis vraiment admirative de la maniere dont vous vous etes integres si vite.
    Mais la vie a New York peut etre difficile aussi, sans les soutiens et les parachutes dont nous beneficions en France. J'imagine que c'est une decision difficile et je vous souhaite le meilleur pour la suite. Marie

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  3. Waouh!!! merci, grand merci, Luzia et Marie! C'est chouette d'être lue ainsi des deux côtés de l'Atlantique. A la prochaine.

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  4. Ça y est je sens que j'vais encore chialer...

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  5. bonjour, j'aime beaucoup votre blog que je lis depuis le début Votre expérience dans cette ville tentaculaire était passionnante à suivre. Je vous souhaite un bon retour sur le sol français et plein de bonnes choses pour la suite.
    PS : très élégant le fiston et quelle expérience à raconter à son retour !

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  6. Prenez cette expérience comme un test grandeur réelle le plus important va être de rebondir. Après tout le rêve de s'expatrier doit toujours être présent en vous maintenant que vous avez la conscience des difficultés les choses seront plus "facile" la prochaine fois.....

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    1. Rebondir sans se faire mal, oui, on va essayer. Merci, Carine

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  7. Merci de nous avoir très bien raconté votre parcours à New York. Vraiment.

    Les "prom", les expos de sciences, les terrains de sport de tout NYC, Haïti... et tout le reste.
    A bientôt.

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    1. C'etait un vrai plaisir de vous raconter tout ça. D'ailleurs je vais faire encore des posts, j'suis addict. Bises Marie.

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  8. Oui, encore des posts !!! Et puis, tu auras des trucs encore à raconter, même après la date du retour, non ?...
    ;-)

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  9. je lis ton blog de temps en temps/et parfois ,je relis les premiers articles.les photos accompagnent tres bien les textes.la culture et la vie a new York sont decritent avec de belles phrases.tu dis bonjour a toutes ta famille/ christophe et annie

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